Dix repères pour un confinement optimal

Depuis bientôt un mois, et pour quelques semaines encore, nous devons, toutes et tous, nous organiser avec ce confinement, afin de nous protéger de ce virus, de protéger nos proches et toutes les personnes que nous aurions pu côtoyer. Cette situation est inédite, inconnue, et nous découvrons ses difficultés. Aujourd’hui, de plus en plus d’études nous montrent que la pratique du confinement, à court et à long terme, amène son lot de conséquences négatives sur notre santé physique et mentale. Pour vous aider à dépasser cet inconfort, voici quelques repères et conseils pour soulager les tensions liées à cette période particulière que nous connaissons.

Un plus grand besoin de concertation

Vivre ensemble suppose de communiquer, et vivre plus intensément ensemble, comme les circonstances actuelles nous obligent à le faire, nécessite non pas de communiquer plus, mais de communiquer mieux. Créer des espaces de concertation en famille pourra être l’occasion de mettre en place ce qui est nécessaire pour un mieux-vivre ensemble en cette période, et de trouver les aménagements adéquats pour rencontrer les besoins de chacun et chacune, mais aussi pour préserver la sérénité de toutes et tous.

Donc, je vous invite, si ce n’est pas déjà fait, à créer ces espaces de discussion en famille ou en couple, à un rythme suffisant (tous les matins, un jour sur deux, … selon vos besoins). A la manière d’une réunion d’équipe, un ordre du jour, que l’on pourra idéalement ritualiser (donc, « avoir toujours le même »), sera proposé :

Comment chacun se sent ? Faire le tour des émotions de chaque membre de la maisonnée, sans jugement et en acceptant que ces émotions soient vraies, en s’exprimant pour soi-même (« en parlant en JE »), permettra de mettre en évidence si certaines difficultés sont présentes (nos émotions ne viennent pas de nulle part, mais de ce que nous rencontrons dans notre environnement) ;

Est-ce qu’il y a des demandes particulières ? Ce point servira à mettre en avant les aménagements à mettre en place, les « changement d’agenda » souhaités, … A nouveau, il s’agit ici de parler de soi, et non de l’autre, pour ne pas tomber dans les reproches et les culpabilisations, ce qui serait la porte ouverte à un conflit ;

Concrètement, comment s’organise-t-on ? Ici, c’est l’occasion de concrétiser des propositions d’aménagement, mais aussi d’organiser les tâches à réaliser pour la bonne marche de la maison, jusqu’à la prochaine « réunion » … tout en gardant à l’esprit qu’on peut aussi décider de ne rien changer si tout fonctionne, et le pointer explicitement jouera le rôle de renforcement positif de ce que chacun met en place pour rencontrer les besoins de tout le monde.

Cet espace de concertation « rituel » pourra être l’occasion de vous positionner tous ensemble sur les différents repères proposés dans la suite de cet article, et de trouver l’organisation qui vous convient le mieux.

Gérer l’espace et le temps

Le nez dans le guidon (souvent), nous ne nous rendons pas toujours compte que nous suivons habituellement une structure dans nos activités quotidiennes, qui organise à la fois notre espace (la maison, le travail, les courses, les activités, …) et notre temps. Cette organisation, si elle est saine et si elle nous convient, nous donne des repères qui diminuent notre anxiété, puisque nous nous appuyons sur elle pour gérer, voire éviter, les différentes sources de stress du quotidien. Être en confinement, c’est devoir renoncer à cette organisation pour glisser dans un « à peu près » inconnu. Nous allons donc chercher une nouvelle structure pour organiser notre temps et notre espace dans cette incertitude. Plusieurs d’entre vous, sans doute, opteront pour une organisation « comme s’ils étaient en vacances », en oubliant, peut-être, que le temps des vacances est d’abord un temps plus court que ce qui nous attend (nous avons, dans la plupart des cas, des blocs de vacances d’une à deux semaines), mais aussi un temps qui peut avoir son propre lot d’anxiété, d’énervement et d’angoisse… J’entends souvent mes patients dire : « Heureusement que les vacances sont terminées, je vais pouvoir me reposer ».

Donc, voici quelques repères et réflexions pour trouver une organisation confinée qui pourra vous convenir :

Gérer l’espace

Nous ne sommes, malheureusement, pas tous égaux en matière d’espace disponible, et dans le contexte que nous vivons, nous devons penser le ratio « habitant au mètre carré » (ce n’est pas le même stress d’être à deux dans une grande maison que six dans une petite). En période de confinement, c’est comme si nous étions des astronautes dans la Station Spatiale Internationale : nous allons devoir devenir territoriaux si nous ne voulons pas entrer en guerre les uns avec les autres.

Premier repère : organiser les espaces individuels et les espaces communs

Chaque personne (enfant comme adulte) doit disposer d’un espace qui lui est propre, dans lequel les autres rentrent le moins possible, ou alors seulement avec l’accord de la personne concernée (même chez les tout-petits). Pensez bien que ces espaces individuels ne doivent pas non plus être envahis de stimuli sensoriels (comme des bruits ou de la musique, par exemple). Donc, si l’insonorisation est impossible, pensez à utiliser des casques ou des écouteurs, et évitez les haut-parleurs.

De la même manière, veillez à prévoir les espaces partagés (par exemple, pour les repas, les jeux ensemble, et/ou les discussions du soir) qui ne pourront être « réquisitionnés » par personne en particulier sans l’accord des autres, et seulement de façon temporaire (bien le ranger dès qu’on a terminé).

Deuxième repère : gérer notre rapport à l’extérieur

Même si nous sommes confinés, le monde extérieur continue à exister. Celui-ci peut s’avérer source de stress, soit parce que certaines informations nous arrivent, soit parce qu’elles ne nous arrivent pas. Dès lors, prendre le contrôle de ces informations devient primordial.

Pour les informations qui nous arrivent : chaque jour, les médias (les sites d’information, mais aussi les médias sociaux) nous abreuvent d’informations sur la situation de la maladie. En cette période, plus encore que d’habitude, nous nous devons de limiter l’apport d’informations anxiogènes, notamment en nous donnant une plage-horaire limitée durant laquelle nous consultons ces médias, et nous abstenir de le faire en d’autres temps. De même, un nombre limité de plage-horaires sur la semaine doit être privilégié (2 ou 3 fois semblent suffisantes pour suivre l’actualité, assez redondante ces derniers temps)

Pour les informations qui ne nous arrivent pas : être dans l’incertitude quant à l’état de nos proches peut également être source d’anxiété. Nous avons, toutes et tous, des connaissances et des membres de la famille qui pourraient être particulièrement vulnérables en cette période. Heureusement, nous avons la chance de vivre à une époque aux moyens technologiques extraordinaires pour garder le contact avec eux. N’hésitez pas à prendre de leurs nouvelles, pour réduire votre incertitude, mais en veillant aussi à ce que ça ne devienne pas non plus une démarche envahissante, pour eux comme pour vous. Le coût ne doit pas être supérieur aux bénéfices.

Enfin, ne pas oublier de sortir… Oui, vous avez bien lu, je parle bien de sortir. Être confinés ne veut pas dire être à 100% assignés à résidence. Les mesures de confinement prévoient que nous avons la possibilité d’aller nous balader, faire du sport en extérieur, des courses, … tout en respectant certaines consignes de distance sociale et d’hygiène de base. Vous avez également la possibilité de mettre le nez dehors, grâce à un jardin, une cour ou un balcon. Usez et abusez-en, pour réduire le sentiment d’enfermement. A nouveau, plusieurs études montrent qu’un contact avec la nature a un impact positif sur notre état d’anxiété, aussi n’hésitez pas à vous programmer une balade en forêt, de temps en temps (surtout avec le retour du beau temps).

Gérer le temps

Tout comme notre rapport à l’espace peut être perturbé par cette situation, notre rapport au temps peut s’en trouver également altéré. Même si ce n’est pas encore visible par toutes et tous, nous risquons de progressivement changer nos habitudes, et pas toujours pour un mieux. Dès lors, comme pour l’espace, se donner une structure de temps (donc des horaires et un agenda) va nous aider à dépasser cette situation.

Troisième repère : se donner des horaires fixes, différents pour la semaine et le weekend

Ce sur quoi nous pouvons prendre prise, c’est de garder le rythme « semaine/weekend », en nous fixant des horaires précis pour le travail (si on travaille depuis la maison), pour les loisirs, pour les repas, … et faire en sorte qu’ils soient différents les weekends (avec des activités spécifiques, avec de plus longs temps d’activités partagées, par exemple).

Quatrième repère : préserver le temps personnel, en solitaire

Tout un chacun, enfant, adolescent ou adulte, nous avons besoin de temps seul (même si nous n’en avons pas tous besoin de la même manière). En fonction des besoins, prévoyez des temps solitaires plus ou moins longs, dans l’espace que vous vous serez réservé. Plus particulièrement pour les enfants, qui ne gèrent pas le temps de la même manière que nous, donnez-leur une heure précise jusqu’à laquelle ils doivent s’occuper seuls (par ex., en leur donnant une horloge, s’ils savent lire l’heure, ou une minuterie). Outre le fait de vous préserver des temps bien à vous, les enfants y trouveront l’occasion de développer leurs propres stratégies pour gérer leur ennui et leurs frustrations, en passant par vous le moins possible.

Repères spécifiques pour les enfants et les adolescents

Concernant les enfants

Comme signalé ci-dessus, les enfants ne gèrent pas le temps de la même manière que nous. Ils s’appuient sur l’organisation des parents pour se donner une structure interne, qui leur permet de gérer les angoisses éventuelles. Dès lors, idéalement, ce dont l’enfant a besoin, c’est d’un cadre prévisible.

Cinquième repère : rendre le temps prévisible

Rien de pire pour un enfant que de ne pas savoir (et c’est d’autant plus vrai chez nos petits zèbres). Nous avons tous en tête ces scènes de voyages, où l’enfant demande sans cesse : « C’est quand qu’on arrive ? » … et les réponses agacées des parents.

Le mieux est encore de donner à l’enfant les moyens de se repérer dans le temps, en faisant avec lui l’agenda de la journée : sur une feuille, noter l’organisation de la journée (repas, temps de travail scolaire, temps de jeu, temps seuls, …) et un indicateur temporel adapté à son âge et ses compétences (l’heure et une horloge, pour ceux qui savent lire l’heure, ou une minuterie et un « camembert » pour les autres). Une fois cet outil construit, si l’enfant vient « tester » le cadre, le mieux est de le renvoyer avec bienveillance vers cet outil, afin de lui apprendre qu’il a les moyens de contrôle nécessaire, et que ça ne doit pas dépendre automatiquement du parent. Veillez dans certains cas, en fonction du niveau de développement de l’enfant, à être source de propositions pour l’enfant, mais en veillant à ce que ce soit lui qui fasse le choix, pour le mettre en position d’être acteur de la situation.

Le jeu doit rester l’activité principale de l’enfant, nécessaire à son développement psychologique. Il sera donc opportun de lui donner accès à ces moments de jeu en solitaire, mais également de lui proposer des temps d’activité avec vous, sous forme de jeux de société, de temps de bricolage, d’activités partagées, … toujours de façon « programmée » (annoncée à l’avance, et avec un début et une fin définis). D’autre part, si des changements dans l’organisation de la journée devaient survenir, bien veiller à annoncer le changement le plus tôt possible.

Sixième repère : gérer le temps d’écran

Nous avons tous entendu, avant le confinement, que les écrans devaient être limités, pour le bien-être de l’enfant. Cette réalité est toujours vraie aujourd’hui, mais va devoir être aménagée car, sinon, ça va devenir ingérable pour beaucoup de parents. L’écran reste un moyen de gérer l’ennui, rapide et accessible, et qui procure beaucoup de plaisirs aux enfants. Voici quelques indications pour vous aider.

Limiter les longues plages-horaires continues : si possible, éviter de longues plages-horaires d’écran, sans interruption. Privilégier des moments d’une heure, avant de passer à une autre activité. Sinon, appliquez le conseil suivant :

Faire des pauses : ici, vous pouvez utiliser le repère qui est donné aux personnes épileptiques, à savoir de faire une pause toutes les heures. Pour aider votre enfant, à nouveau, utilisez une minuterie, en la programment à chaque fois sur 50 minutes. Quand elle sonne, ça donne à l’enfant le signal qu’il peut terminer ce qu’il faisait (son épisode de série ou de dessin animé, sa partie de jeu), puis qu’il doit s’interrompre pour quelques minutes (en allant respirer dans le jardin, en allant aux toilettes, … bref, en faisant autre chose, pendant quelques instants).

Arrêter les écrans avant de dormir : dans tous les cas, l’utilisation des écrans à un impact sur le sommeil (c’est vrai pour les enfants, mais aussi pour les adultes). Au minimum, arrêter les écrans 60 minutes avant de dormir permet au cerveau de commencer à produire de la mélatonine, dont il a besoin pour glisser dans le sommeil. Donc, une heure avant l’heure du coucher, couper tous les écrans (y compris la télévision), et privilégier une activité d’endormissement (discussion calme, raconter une histoire, lire, écouter de la musique, …) pour accompagner votre enfant vers le sommeil.

Concernant les adolescents

Le temps du confinement met à mal les adolescents dans un de leurs besoins fondamentaux : en effet, pour se construire, l’adolescent a besoin de se socialiser en-dehors de la famille… Mais, pour le moment, il passe tout son temps avec vous… Donc, si on veut éviter que notre adolescent ne « pète un plomb », quelques aménagements doivent être trouvés.

Septième repère : être souple dans l’utilisation des écrans

D’ordinaire, l’école et les activités extrascolaires permettent à l’adolescent de remplir une grande partie de son besoin de socialisation, le reste étant géré par les écrans, qu’il convient de limiter pour éviter les abus (par exemple, les discussions jusque 2h du matin). En cette période, seul l’écran permet à votre adolescent d’être en lien avec ses camarades, et, même si ce n’est pas l’idéal, lui permettre d’être davantage en lien avec eux, par ce moyen-là, semble primordial aujourd’hui. Dans le même ordre d’idée, peut-être pourriez-vous envisager de laisser à votre adolescent l’horaire de connexion qui lui convient, et qui correspond à son groupe de copain, en respectant l’horaire défini dans ledit groupe. Néanmoins, certaines balises peuvent être posées (par exemple, pas au-delà de minuit). Ça ne servirait à rien qu’il ait accès à son téléphone si aucun de ses amis n’est connecté à ce moment-là.

Dans le même ordre d’idée, en fonction de l’âge de l’adolescent, tout en lui donnant l’accès aux réseaux sociaux, il serait judicieux de maintenir un contrôle sur ce qui est échangé, en gardant un œil sur les discussions qu’il peut avoir avec ses camarades (jusqu’à ses 16 ans, au plus tard, mais toujours en fonction du degré de maturité de votre enfant).

Huitième repère : respecter le rythme de sommeil spécifique des adolescents

Les adolescents ne dorment pas comme les autres. En effet, là où la période moyenne de sommeil chez l’adulte se situe entre 22h et 6h (pour un total de 8h), l’adolescent est programmé biologiquement pour dormir de minuit à 10h (pour un total de 10h). De fait, habituellement, c’est le rythme social qui n’est pas adapté au rythme biologique de nos adolescents (qui doivent être à l’école à 8h15, et donc en pleine période de sommeil neurologique). Dans le contexte que nous vivons actuellement, il serait donc possible de laisser nos adolescents suivre leur rythme, et leur prévoir un agenda qui tient compte de cet élément-là.

Pour conclure...

Deux derniers repères, pour vous aider à dépasser le stress que cette période de confinement peut générer chez chacun et chacune d’entre nous :

Neuvième repère : garder un sentiment d’utilité

Tant pour les enfants et les adolescents que pour nous-même, cette période de confinement diminue grandement nos relations sociales, et donc le bénéfice que nous pouvons en tirer, à savoir de nous sentir utiles au sein du groupe auquel nous appartenons. Dès lors, il serait judicieux pour tous de nous interroger sur notre besoin d’être utile, et, éventuellement, mettre en place des actions dont nous pourrions avoir la nécessité pour nous sentir bien. Via les médias et les réseaux sociaux, nous voyons beaucoup de personnes se mobiliser dans ce sens : fabriquer des masques pour notre entourage, aller faire les courses pour des personnes plus fragilisées ou vulnérables à la maladie, téléphoner plus souvent à ces mêmes personnes, … les idées ne manquent pas. Même aller applaudir, le soir, va dans ce sens : encourager nos soignants nous donne un sentiment de participer à l’effort collectif. Nos enfants et nos adolescents ont ce même besoin, mais n’identifient pas toujours comment faire et quels moyens ils ont à leur disposition. Aussi, peut-être, pourriez-vous en discuter avec eux, leur proposer des idées, et les laisser libres de choisir la manière qui leur semble la plus confortable de remplir ce besoin d’utilité.

Dixième repère : ne pas rester seul face à sa détresse

Après une première période de « calme », où chacun a tenté de s’adapter aux évènements, nous commençons à voir apparaitre de plus en plus de signaux de détresse parmi les populations avec lesquelles nous travaillons. Les aléas du confinement commencent à se faire sentir, et ce constat est partagé par tous les soignants qui ne sont pas en première ligne.

De nombreuses initiatives se mettent en place pour vous aider dans ce contexte : nous-mêmes, à l’asbl AvanceToi, nous organisons par téléphone une permanence d’écoute pour vous soutenir dans cette période. Cette permanence est gratuite. Vous trouverez toutes les informations en suivant ce lien...

Dans l’espoir que ces balises vous seront utiles en cette période.

Jean-François Donfut - Psychologue (asbl AvanceToi)

 

Vous recherchez un professionnel? des informations spécifiques?