Dis, comment on fait pour apprendre?
C’est LA question. Celle que tout le monde se pose et où tout le monde sait comment on fait. Mais si chacun est convaincu de savoir, il se trouve toujours une autre personne pleine d’idées pour avoir une autre version de la solution miracle…
Un tel vous expliquera qu’il faut répéter, répéter et surtout répéter… « Tapons sur le clou les amis ! »
Un autre vous expliquera qu’il faut déterminer votre canal préférentiel et l’utiliser… « T’es plutôt visuel ou auditif, toi ? »
Celui-ci vous expliquera qu’il faut faire parfaitement du premier coup… « Pour apprendre, il faut faire juste ! »
Celui-là vous expliquera qu’il faut absolument connaitre la théorie pour pratiquer… « Connais par cœur tes tables et tu sauras faire les plans de ton étagère ! »
Et bien sûr, l’autre vous dira le contraire… « Il faut pratiquer pour comprendre la théorie ! »
etcétéra… etcétéra…
Le truc c’est que tout le monde à raison 
. Et tout le monde a tort 
. Tous ces conseils sont intéressants s’ils sont adaptés au bon contexte et à la bonne personne. Chacun est différent (« oui, oui, tout le monde il est pareil, tout le monde il est différent, on sait ! »). Non, vraiment ! Chacun a un disque dur dans le cerveau connecté à SA manière. Que vous soyez HP, Dys, TDA/H, ou toute autre lettre(s) de l’alphabet, vous avez une carte mentale UNIQUE.
C’est bien beau tout ça, mais on fait comment pour apprendre (c’est bien le titre de l’article, non ???) ?
J’y viens.
Tout d’abord, je fais une différence entre les apprentissages des gestes automatiques et la connaissance :
Les gestes automatiques ? C’est votre Papy Jeannot de 82 ans qui apprend à se servir de son nouveau GSM (téléphone portable pour nos voisins les français).
« Ok Papy ! Je vais t’appeler et tu feras glisser la barre vers le téléphone vert. »
*Driiiiing* *panique* *glissade vers le rouge* *raccrocher*
Il est fort probable que notre Jeannot se trompe de côté une fois sur deux à l’avenir. Le geste automatique s’est mal encodé…
La connaissance ? C’est Valentine, 8 ans, qui cherche à mémoriser ses tables de multiplication, sa poésie ou le nom des brosses de son poney. Ici, c’est bien différent, ce n’est pas automatique et c’est de cela que va parler le reste de l’article.
Ce deuxième type d’apprentissage est différent. Il a besoin de compréhension et de mémorisation (je vous vois venir… « Il faut mémoriser avant de comprendre ! », « Ah, non ! C’est le contraire ! ». Bah, en fait, ça dépend de la personne. Et si vous laissiez faire l’apprenant ?). Mais il a surtout besoin :
DE FAIRE DES ERREURS.
L’humanité a évolué en faisant des erreurs. La médecine a fait des saignées jusqu’à ce qu’elle se rende compte que ça ne servait pas à grand-chose, les parents ont donné de la coca aux enfants jusqu’à ce qu’ils se rendent compte que ça grillait quelques neurones au passage, mon institutrice fumait en classe jusqu’à ce qu’elle se rende compte que ses élèves commençaient à tousser de plus en plus souvent… Ici, on vous parle de conjugaison, de fractions, de dates d’intronisations… il n’y a pas vraiment mort d’homme, si ?
Plus sérieusement, le cerveau a besoin de modifier ses schémas existants pour enregistrer et évoluer. Prenons un exemple avec notre merveilleuse orthographe opaque française.
Je demande à un patient d’écrire comme il pense le mot « piscine »
pisine
Ok ! je vais donc partir de ce que tu sais faire et modifier ta production. Il est plus facile de modifier un schéma déjà existant en demandant à l’enfant d’être acteur de son apprentissage (et cela réchauffe l'estime de soi). Donc, tout d’abord, bravo bonhomme, toutes les syllabes sont là ! Mais il manque une lettre, ce que tu as écrit va se lire « pizine ». C’est un mot bizarre que celui-ci ! Il faut ajouter un « C » ici.
piscine
etcétéra…etcétéra…
L’apprenant fera sa propre soupe mais ce qui restera le jour de la dictée c’est :
Attention ! piscine c’est un mot bizarre
Si, par coup de chance, le mot a été bien écrit du premier coup et n’a pas été bien enregistré car « Ok j’ai juste, pas besoin de l’encoder. », une erreur pourrait apparaitre par la suite. « Mais, tu savais le faire à la maison 
! ».
Ce droit à l’erreur doit être réapproprié par l’apprenant. En faisant cela, il se rend acteur de l’enseignement qu’il reçoit. Il n’est plus un réceptacle que l’on gave mais un être doué de réflexion qui conscientise ce qu’il encode. Il devient méta, c’est-à-dire qu’il devient capable de manipuler et de modifier ce qu’il apprend.
Evidemment, il existe plein d’autres actes mentaux à faire pour « apprendre » mais celui-ci est, à mon sens, le plus important et celui qui a le moins de place dans notre société actuelle. Nous demandons aux Hommes d’être hyperproductifs sur le court terme et d’appliquer. L’erreur sera productive mais sur le long terme. Cela entre donc en contradiction avec la demande initiale et ce, quel que soit l’âge du « producteur ».
Prenez votre temps, vous êtes pressé.e.s !
Et en logopédie, alors? On fait quoi?
Un.e logopède, orthophoniste, logopédiste, speech language pathologist… n’est PAS un professionnel de soutien scolaire. Notre travail aura évidemment un impact sur « les notes du bulletin » mais nous ne sommes pas là pour transmettre un apprentissage comme le font les professeurs. Nous sommes des thérapeutes et travaillons sur le rapport psychologique et la technique qui sont liés aux apprentissages. Nous ne donnons pas, nous amenons le patient à créer ses propres passerelles mentales. Nous allons mettre le patient en situation et lui demandons de réfléchir à ses actes mentaux de manière consciente. Puis, de déséquilibre en déséquilibre, le patient devient suffisamment fort pour faire face à toutes les difficultés 
.
Vous avez des questions ? Des remarques ? Des envies de débattre ? Ou juste une réaction ? N’hésitez pas à en parler avec les professionnels du langage, ils adorent parler 
.
Eva Albrand, logopède